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Réforme des nullités en droit des sociétés : un game changer ?
18.03.2025
L’ordonnance du 12 mars 2025, prise en application de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, vise à simplifier et clarifier le régime des nullités en droit des sociétés. Elle poursuit comme objectif, selon le rapport au Président de République, la sécurisation des décisions sociales et le cantonnement des nullités pouvant les affecter.
➡️ Ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025
➡️ Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2025-229
Les principales innovations
- Regroupement de toutes les règles générales sur les nullités dans le code civil (art. 1844-10 et s. c.civ.) et suppression corrélative des dispositions du code du commerce (art. L. 235-1 et s. c.com.) ;
- Suppression de la nécessité d’une « disposition expresse » pour annuler un acte ou une délibération modifiant les statuts d’une société commerciale ;
- La nullité des décisions sociales (sociétés civiles et commerciales) ne peut désormais résulter que (i) de la violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou (ii) de l’une des causes de nullité des contrats en général ;
- L’automaticité de la nullité est écartée au profit d’un triple test (art. 1844-12-1 c.civ.) : (i) le demandeur doit justifier d’un grief, (ii) l’irrégularité doit avoir eu une influence sur le sens de la décision, et (iii) la nullité n’entraîne pas de conséquences excessives pour l’intérêt social.
- Clarification de la nullité pour violation des statuts : celle-ci est exclue sauf disposition statutaire contraire dans la SAS (art. 227-10-1 c.com) ;
- Le risque de nullités en cascade est circonscrit par deux mécanismes : (i) la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou de l’un de ses membres n’entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci et (ii) le juge peut différer les effets de la nullité dans le cas où ses effets seraient « manifestement excessifs pour l’intérêt social » ;
- Le délai de droit commun de la prescription de l’action en nullité est réduit de 3 à 2 ans.
Ces nouvelles règles s’appliquent, pour l’essentiel, à compter du 1er octobre 2025.
Analyse
Le régime des nullités est-il bouleversé ? Non. Est-il clarifié ? Oui, bien que certaines notions clés telles que la « disposition impérative du droit des sociétés » demeurent particulièrement floues.
Les décisions sociales sont-elles « sécurisées » ? Vraisemblablement pas. L’introduction du « triple test » tend à encadrer le prononcer de la nullité mais laisse au juge une marge de manœuvre considérable. Il en est de même de la modulation des effets de la nullité, laissée elle aussi à l’appréciation du juge.
Les nullités sont-elles « cantonnées » ? Rien n’est moins sûr. Si la réforme tire un trait, par exemple, sur la jurisprudence Larzul 2, qui sanctionnait par la nullité certaines décisions collectives prises en violation des statuts de SAS (à condition que cette violation soit de nature à influer sur le « résultat du processus de décision »), permettant vraisemblablement dans un premier temps de réduire les cas de nullité, la possibilité de sanctionner expressément par la nullité toute violation des statuts pourrait rapidement contrecarrer cet effet.
Il est donc loin d’être certain que l’objectif affiché de « sécurisation des décisions sociales » et de « cantonnement des nullités » ait été atteint.