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Parfums : un marché de dupes…
04.02.2025
Qu’entend-on par « dupes » ?
On assiste depuis quelques années à la vente de produits imitant des produits de marque qualifiés de « dupes ».
Un dupe, selon Madame Marie Léger, journaliste au magazine VOGUE, dans un article du 8 septembre 2023, «…est un produit qui ressemble à un article de designer ou de haute qualité mais qui est vendu à un prix nettement plus bas. Le mot dupe est dérivé de « Duplicate » signifiant une copie ou une imitation. »
Ce marché se développe dans des conditions très importantes et il est susceptible d’affecter gravement le commerce des produits authentiques en s’inscrivant dans le sillage des grandes marques, lesquelles investissent constamment dans des dépenses publicitaires et promotionnelles d’importance.
La stratégie utilisée est habile dans la mesure où ces produits reproduisent les caractéristiques de produits célèbres sans pour autant faire état des ressemblances pouvant exister. Les dupes sont commentés par les influenceuses/eurs qui recommandent l’acquisition de produits imitant à des prix forcément très inférieurs.
La différence avec les tableaux de concordance existant par le passé est que le fabricant du produit litigieux n’établit pas lui-même une liste de produits équivalents.
Cette pratique des dupes se retrouve de façon très répandue dans le commerce des parfums.
Comment s’en prémunir ?
Concernant les décisions de justice intervenues et les textes applicables, la Cour d’appel de Paris a protégé par le droit d’auteur la fragrance d’un parfum par un arrêt du 14 février 2007 (RG n°06/09813) dans ces termes : « qu’il s’ensuit que la fragrance commercialisée sous la dénomination « LE MÂLE » identifiable par son architecture olfactive doit bénéficier de la protection par le droit d’auteur » ; dans cette affaire, 80% des composants se retrouvaient dans les deux parfums en cause (accessible ici).
Les similitudes olfactives étaient établies par des analyses chromatographiques.
Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juillet 2008 (RG n°07-13.952), a cassé cette décision de la Cour d’appel de Paris dans ces termes : « attendu qu’en statuant ainsi alors que la fragrance d’un parfum procède de la seule mise en oeuvre d’un savoir-faire ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection de l’œuvre de l’esprit, la cour d’appel a violé les textes susvisés… » (accessible ici).
Ainsi, la Cour de cassation considère que la fragrance d’un parfum relève de la mise en œuvre d’un savoir-faire et non de la protection d’un droit d’auteur.
Cette position est critiquable en droit dans la mesure où les composantes d’un parfum sont parfaitement identifiables, et en conséquence protégeables, par tout droit d’auteur et la mise au point d’un parfum est la résultante d’un travail technique et artistique.
Cette solution est d’autant plus critiquable qu’un parfum constitue une œuvre de l’esprit comme en atteste la profession des « nez », la spécificité olfactive de chaque parfum ainsi que le succès rencontré par divers parfums de renom.
Dans un article paru dans le journal Propriété Industrielle numéro de juillet-août 2024 n°7-8 pages 7 et 8, Monsieur le Professeur LE STANC écrit « On ajoutera pour le cas spécifique des parfums que les « dupes » qui se bornent à reproduire des fragrances célèbres, sans référer clairement à l’original ni imiter leur conditionnement, le peuvent tout à fait librement ».
Cependant, en qualifiant de mise en œuvre d’un savoir-faire la création d’un parfum, la Cour de cassation autorise au moins implicitement la protection de ce savoir-faire.
Car tout savoir-faire est susceptible de détournement et il est évident que sa mise au point est un travail de longue durée.
Il a été par exemple jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, économique et financière, le 16 février 2022 (n° 20-13.542) que « l’action en parasitisme fondée sur l’article 1382 devenu 1240 du code civil qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quel que soit le statut juridique ou l’activité des parties, dès lors que l’auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.»
Tel pourrait bien être le cas d’une entreprise commercialisant des dupes et pouvant ainsi être sanctionnée sur le fondement du détournement de savoir-faire.
On relèvera que le marché des dupes prend une ampleur significative au détriment des marques notoires lesquelles investissent des montants très importants pour la mise au point puis la commercialisation d’un parfum.
Ce marché des dupes pourrait donc être sanctionné sur ce fondement de l’article 1240 du code civil.