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    Contribution pour la justice économique ou la fin de la gratuité de la justice commerciale

    21.01.2025

    L’article L. 111-2 alinéa 2 du COJ dispose que la gratuité du service public de la justice est assurée « selon les modalités fixées par la loi et le règlement ». La loi et le règlement viennent assurément d’en limiter considérablement l’accès avec la création de la contribution pour la justice économique (CJE).

    Cette nouvelle taxe, introduite par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, dans le cadre de l’expérimentation des tribunaux des activités économiques (TAE) s’inscrit dans une démarche expérimentale d’une durée de quatre ans, à compter du 1er janvier 2025, concernant 12 tribunaux de commerce voyant leur compétence élargie renommés pour l’occasion « tribunaux des activités économiques » (notamment Paris, Nanterre, Lyon et Marseille). Ses modalités d’application viennent d’être précisées par le décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024.


    Qui est concerné ?

    La CJE n’est due que par l’auteur de la demande initiale (pas par le demandeur incident) lorsque celle-ci dépasse 50.000 euros (hors frais irrépétibles de l’article 700 CPC).

    Ne sont toutefois pas assujettis :

    • les personnes physiques et morales de droit privé employant moins de 250 salariés ;
    • l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements ;
    • les demandeurs à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective.

    Ne sont pas non plus concernées les instances introduites aux fins de rétractation/modification ou contestation d’une ordonnance rendue sur requête (type 145 CPC), celles tendant à l’interprétation d’une précédente décision ou à la rectification d’une erreur matérielle, de même que celles relatives à l’homologation d’un accord transactionnel.

    Montant et barème de la CJE

    Personnes physiques : cette situation est particulièrement marginale puisque ne sont concernées que les personnes physiques demanderesses employant 250 salariés ou plus. Pour celles disposant d’un revenu fiscal de référence supérieur à 250.000 euros et inférieur ou égal à 500.000 euros, le montant de la contribution est de 1% du montant de la valeur totale des prétentions. Il est porté à de 2% pour les personnes physiques ayant un revenu fiscal supérieur à 500 000 euros et de 3% pour celles ayant un revenu fiscal supérieur à 1 million d’euros.

    Personnes morales : les dispositions relatives aux personnes morales (employant 250 salariés ou plus) sont plus intéressantes.

    • La CJE est de 3% de la valeur totale des prétentions initiales lorsque (i) le montant du chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années est supérieur à 50 millions d’euros et inférieur ou égal à 1.500 millions d’euros et (ii) le montant du bénéfice annuel moyen sur les trois dernières années excède 3 millions d’euros. La CJE est toutefois limitée à un montant maximal de 50.000 euros.
    • La CJE est de 5% de la valeur totale des prétentions initiales lorsque (i) le montant du chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années est supérieur à 1.500 millions d’euros et (ii) le résultat annuel moyen des trois dernières années est bénéficiaires (peu importe son montant). La CJE est toutefois limitée à un montant maximal de 100.000 euros.
    • Rien n’est prévu pour les personnes morales employant 250 salariés ou plus (qui sont donc assujetties à la taxe) mais ne satisfaisant pas les critères économiques précités. Elles en sont donc (pour l’instant) exemptées.

    Recouvrement, sanction et remboursement

    La contribution est collectée par les greffiers des tribunaux des activités économiques. Le greffe doit aviser le demandeur par tous moyens, avant la première audience, du montant qu’il doit acquitter et de la sanction encourue faute de versement.

    Le défaut de versement de la CJE entraîne l’irrecevabilité de la demande (celle-ci pouvant être prononcée d’office). Cette décision peut toutefois être rétractée sur justification du versement de la contribution.

    La contribution peut être remboursée en cas de (i) décision constatant l’extinction de l’instance par suite d’un désistement et (ii) transaction « conclue à la suite du recours à un mode amiable de résolution des différends lorsqu’elle met fin au litige ». L’objectif est ainsi clairement de favoriser le recours à l’amiable et aux modes alternatifs de règlement des différends.

    Charge de la contribution

    Hors l’hypothèse d’un remboursement, la contribution doit être in fine supportée par la partie qui succombe, à l’instar des dépens. En application de l’article 696 CPC, le juge pourrait cependant, par une décision motivée, en décider autrement (en la laissant par exemple à la charge du demandeur).

    La charge de la CJE pourrait donc peser sur le défendeur alors que celui-ci ne dispose pas forcément des facultés contributives du demandeur, ce qui incite, là encore, à la transaction.

    Le système peut ainsi devenir profondément injuste et déséquilibré s’il n’est pas appliqué par le juge avec discernement et équité.

    Enjeux

    L’expérimentation doit durer 4 ans au terme desquels un rapport d’évaluation sera remis au Parlement. Dans l’intervalle, il est vraisemblable que la mesure favorise le forum shopping entre les tribunaux et n’entrave l’accès à la justice soit en incitant les justiciables à s’abstenir de recourir au juge, soit au contraire en favorisant les pressions exercées par les « gros » sur les « petits » qui, craignant devoir in fine supporter la charge de CJE, acceptent le pistolet sur la tempe un accord amiable plus ou moins bien négocié.

    Alexis Bessis

    Contentieux des affaires et arbitrage

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