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    Validité d’une marque sous divers aspects

    25.05.2022

    Un arrêt du 4 février 2022 Pôle 5 Chambre 2 RG n°20/07747 illustre de trois façons le principe de validité d’une marque déposée, soit la marque « ULTRA LIGHT DOWN » pour, notamment, les produits de la classe 25, soit les vêtements.

    Concernant les faits, la société UNIQLO EUROPE LTD et sa maison mère FAST RETAILING CO LIMITED attaquaient en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale un concurrent.

    A titre reconventionnel et pour sa défense, ce concurrent invoquait donc :

    • un dépôt frauduleux de la marque ULTRA LIGHT DOWN ;
    • un défaut de distinctivité du signe ;
    • une dégénérescence de la marque en désignation usuelle.

    Sur la fraude alléguée

    Il était prétendu que le dépôt de la marque « ULTRA LIGHT DOWN » aurait été effectué de façon frauduleuse et que le déposant, au moment du dépôt, ne poursuivait pas un but légitime.

    L’intimé en voulait pour preuve que le dépôt litigieux aurait été opéré quatre jours seulement après l’envoi d’une mise en demeure qui lui était adressée et que le déposant avait pour but de s’approprier indûment un monopole sur le signe « ULTRA LIGHT DOWN » déjà utilisé par d’autres en faisant ainsi fraude aux droits des tiers.

    L’article L 712-6 du CPI était visé et l’adage « la fraude corrompt tout » était invoqué.

    La Cour a rappelé que le dépôt frauduleux est retenu « s’il ressort d’indices pertinents et concordants, que la demande d’enregistrement de la marque a été effectuée non pas dans un but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir sans même viser un tiers en particulier un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine. »

    Il était également rappelé que la mauvaise foi doit être appréciée globalement en tenant compte de l’ensemble des circonstances du litige et en se plaçant à la date du dépôt.

    La Cour confirme le Jugement du Tribunal, lequel avait estimé que le dépôt ne pouvait être considéré comme frauduleux pour la seule raison qu’il avait été effectué au lendemain de l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque.

    La Cour rejette l’argument selon lequel la mise en demeure adressée par UNIQLO au concurrent ne mentionnait pas expressément, au titre de droits antérieurs, le signe « ULTRA LIGHT DOWN » et indique qu’il ne suffit pas de constater que ce terme ait pu être antérieurement utilisé dans des forums de discussion sur Internet pour désigner des sacs de couchage.

    En effet, cette marque « ULTRA LIGHT DOWN » visait la classe 25 pour les vêtements et non les sacs de couchage classe 24.

    La Cour retient d’ailleurs, que la marque « ULTRA LIGHT DOWN » était couramment utilisée par le déposant, la société UNIQLO, en l’apposant sur des vêtements antérieurement au dépôt de la marque.

    Elle en déduit que le déposant avait, dès lors, un intérêt légitime à protéger en France, par le droit des marques, le signe contesté qu’elle avait antérieurement utilisé sans pour autant que cela n’ait constitué un dépôt frauduleux.

    Cette solution confirme la validité des droits antérieurs même si ceux-ci ne donnent pas lieu à dépôt de marque. En l’espèce, la preuve des droits antérieurs provenait de diverses publicités relatives à la marque « ULTRA LIGHT DOWN » dans la presse.

    On rappellera du reste que l’article L711-3 du CPI, ex-article L711-4, valide les droits antérieurs pour faire obstacle au dépôt d’une marque postérieure.

    Sur la distinctivité du signe

    La Cour rappelle les termes de l’article L 711-2-b du CPI dans sa version applicable à l’espèce, et notamment l’article L 711-2-b qui stipule que « sont dépourvus de caractères distinctifs b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service. »

    Il est rappelé que le caractère distinctif d’un signe doit s’apprécier à l’égard des produits ou services désignés.

    La Cour rappelle que, pour être distinctif, un signe doit revêtir un caractère arbitraire par rapport aux produits et services qu’il désigne et permettre au public concerné d’attribuer à une entreprise déterminée ces produits ou services.

    Elle rappelle que s’agissant d’un produit destiné au grand public, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif.

    Là encore, il est précisé que l’examen du signe doit être effectué de façon globale.

    Le signe « ULTRA LIGHT DOWN » doit donc être pris en considération dans son ensemble et non de façon isolée par rapport aux trois mots qui la composent soit « ULTRA », « LIGHT » et « DOWN ».

    Compte tenu des éléments du débat, des traductions variables des mots composant le terme déposé à titre de marque, d’une enquête de l’IFOP démontrant que seulement 1,3% des personnes interrogées traduisent l’expression en doudoune, la Cour infirme le Jugement du Tribunal.

    Elle précise que même si l’on trouve des discussions sur des forum via internet utilisant le terme « ULTRA LIGHT DOWN » pour désigner des sacs de couchage en duvet, d’une part, le sac de couchage n’est pas visé par la marque, d’autre part, le public très averti des randonneurs à la recherche d’un sac de couchage ne peut les confondre avec le consommateur moyen achetant des vêtements.

    Elle en déduit que le public visé par la marque est un public moyen de consommateurs francophones et qui ne comprendra pas le terme déposé « ULTRA LIGHT DOWN » comme désignant une caractéristique du produit.

    Elle considère donc que le signe, dans le langage courant professionnel, n’est pas exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits.

    La Cour infirme le Jugement du Tribunal en ce qu’il a décidé d’imposer que soit précisé à l’enregistrement que « les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou ultra léger. »

    Cette solution parait d’autant plus justifiée qu’il n’était nullement démontré que le mot anglais « DOWN » soit appréhendé par les consommateurs français comme signifiant « duvet », d’autant que la marque désignait des vêtements et non du duvet.

    Cette solution ne peut donc qu’être approuvée.

    Sur la dégénérescence de la marque en désignation usuelle

    L’article L 714-6 du CPI est rappelé en ce qu’il indique qu’encourt la déchéance de ses droits « le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ».

    La Cour souligne qu’il incombe à celui qui invoque la dégénérescence de la marque, « de rapporter la preuve que celle-ci est devenue la désignation usuelle des produits ou services et que cet usage s’est répandu sans que le titulaire de la marque tente d’y mettre un terme. »

    La Cour relève que l’intimé ne rapporte pas la preuve de ses prétentions.

    On soulignera cependant que la notion de tolérance ne doit pas être perdue de vue.

    Toute entreprise aura donc intérêt, dans un délai de cinq ans à compter de la connaissance de l’usage d’une marque postérieure, d’attaquer en justice tout contrefacteur.

    A ce sujet, un très récent Arrêt de la Cour de Justice de l’UE du 19 mai 2022 C-466/20 prend en considération une mise en demeure seulement si elle est, par la suite, suivie soit d’une exécution par le défendeur, soit d’une action en justice.

    Il appartient donc à tout titulaire de marque d’être particulièrement vigilant quant aux effets de la tolérance.

    Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire

    La Cour rappelle que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et du risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

    La Cour d’Appel relève de nombreux actes de concurrence déloyale dans la mesure où notamment, les pochons de rangement présentent des formes et dimensions strictement identiques, les cartelines imitent le positionnement des cartelines accrochées aux doudounes de la société UNIQLO, une étiquette rectangulaire de même taille comporte également deux carrés rouges et des inscriptions en caractères noirs, il existe une étiquette rectangulaire comportant le mot « care ».

    De plus, l’Arrêt retient à titre d’actes de concurrence déloyale la commercialisation d’une doudoune matelassée en forme de losanges « comportant des différences mineures notamment au niveau des poches. »

    Elle considère que les deux modèles de doudounes peuvent être facilement confondus.

    En définitive, et compte tenu du risque de confusion, les actes de concurrence déloyales sont retenus et la Cour estime que l’intimé « s’est placé dans le sillage de la société UNIQLO et a ainsi profité de manière injustifiée de la valeur économique, du savoir-faire et des investissements de la société UNIQLO EUROPE. »

    Le parasitisme économique est retenu en indiquant que l’intimé a profité « de manière injustifiée de la valeur économique, du savoir-faire et des investissements de la société UNIQLO EUROPE attestés par les éléments produits aux débats et notamment l’attestation de son Directeur Financier faisant état d’investissements publicitaires à hauteur de 895.771 € entre 2012 et 2017 ».

    L’indemnisation accordée de 50.000 € parait donc peu importante par rapport au montant des investissements qui avaient été admis par la Cour.

    Cette condamnation à des dommages et intérêts limités reste inférieure à la réalité du préjudice économique causé eu égard aux investissements constatés.

    Philippe Bessis

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